L’énigme du cachalot

En France, les premiers décors mégalithiques sont signalés vers 1814 (Locmariaquer) mais c’est Prosper Mérimée qui va les mettre en avant en 1836, après sa visite de Gavrinis, découvert 4 ans avant. La première étude date de 1873 avec G. de Closmadeuc qui va identifier 7 signes principaux dans le Morbihan.

Techniquement, ce sont des on connaît des tracés « piquetés » ou bien des motifs dégagés en « faux-relief » par creusement d’un champ périphérique plus ou moins large autour de la forme mise en valeur.

9133406217_8449107be9_k

Cette pratique n’est pas limitée à la Bretagne et elle diffère dans le temps, je vous propose de l’évoquer sous 4 thématiques :

  • L’art mégalithique dans le Morbihan (Néolithique Ancien/Moyen)
  • Les sépultures collectives du Bassin Parisien (Néolithique Récent)
  • Les Statues-Menhirs du Sud de la France (Néolithique Final)
  • Les gravures Alpines du Mont Bégo (Transition avec l’Âge du Bronze)

 

1/ L’art mégalithique dans le Morbihan.

En Bretagne, on va d’abord distinguer les gravures de formes simples :

  • Les cupules sont les signes les plus simples et les plus déroutants.
  • Les « U » sont martelés dans la pierre par percussion indirecte et peuvent être à branches droites ou repoussées, on parle alors de signes « corniformes » pour leur ressemblance avec les bovidés. On les trouve souvent associés aux « écussons » et parfois en nombre comme au Mané-Lud.
  • Les lignes droites, brisées en « zigzag » ou « serpentiformes » peuvent être verticales ou horizontales. On pense à l’eau pour les lignes horizontales et aussi à des drapés pour les verticales.
  • Les cercles et spirales, typiques du Néolithique Britannique se retrouvent dans certains sites complexes comme à Gavrinis

9196991835_48389f107d_k

Parmi les formes plus complexes, on va distinguer :

  • Un très grand nombre de haches qui reste l’outil indispensable du paysan néolithique mais aussi, pour certaines pièces, un signe de pouvoir, comme l’ont démontré les recherches de l’équipe « Jade ». C’est sans doute le cas pour les 18 lames de haches présentées par paires avec leurs tranchants vers le haut de la dalle n°21 de Gavrinis. Les formes et représentations sont très variées.
  • Haches très schématisées (par le chiffre « 7 » au Mané-Kérioned par exemple)
  • Lames de haches schématisées (2 triangles isocèles à Barnenez)
  • Hache complète (Manche / Gaine et lame)
  • Enfin la « hache charrue », terme impropre (une lame de hache n’est jamais utilisé comme charrue !) pour laquelle on voit aussi aujourd’hui un cachalot.

9199777086_1527ccf9c6_k

3D Mané Lud

La théorie du cachalot est le résultat d’une étude 3D des tracés du Mané-Kud associée à de comparaisons entre les signes de Bretagne et de Galice. On la retrouve aussi à Dissignac et à Gavrinis. C’est Serge Cassen qui a développé cette proposition qui fait partie, depuis 2000, d’une profonde remise en cause de l’interprétation des tracés.

artfichier_65835_1105218_201208031421682

La « hache-charrue », parfois interprétée comme une « Grande Déesse » devient donc un cachalot soufflant, l’herminette est un homme aux bras en croix, la hache du bûcheron devient une arme guerrière, la houlette du berger n’est qu’un boomerang, le cornu devient un oiseau volant, le peigne-graffiti est un bateau monté et l’idole en écusson rassemble un monde en miniature…

La plus belle hache emmanchée est sans doute celle du plafond de la « Table des Marchand » : Lame de forme triangulaire, manche épais qui se termine en courbure et lanière pour la prise en main. Cette dalle est l’un des 3 fragments d’un menhir de14 mètresqui a aussi été réutilisé dès le Néolithique pour faire la couverture de Gavrinis (à4 km. de là) et peut être la couverture du tumulus d’Er-Grah tout proche de la « Table ».

9133406931_f33f85c1ee_k

L’écusson (ou bouclier) représente un rostre central entouré de larges épaules, un peu comme un blason renversé. Il est parfois associé à une « chevelure » rayonnante.

Ce symbole apparait dès les premières gravures (Gavrinis) et on le retrouve même au néolithique Final (Roudouallec). Pour l’expliquer, on évoque souvent le symbole de la « Grande déesse » de la vie et de la mort et l’exemplaire le plus complet est celui du dolmen de l’Ile-Longue.

A noter aussi les variantes comme celle des « Pierres Plates » à Locmariaquer qui inclue des cercles et des « U » dans son cartouche et la dalle de chevet de la « Table des Marchand » qui est, elle-même, taillée en forme d’écusson.

  • Les crosses évoquent la houlette du berger mais aussi un symbole de pouvoir religieux (on pense aux Pharaons d’Egypte ou à la crosse épiscopale). On la trouve souvent associé aux écussons.
  • L’arc peut être associé à des flèches (et peut-être même à un carquois sur la dalle n°24 de Gavrinis). On peut les trouver à l’entrée des tombes, ce qui pourrait s’interpréter comme une mise en garde aux visiteurs.
  • Les animaux peuvent être spectaculaires comme le bovidé et le bouc du plafond de Gavrinis dont les têtes sont surmontées de grandes cornes arquées et qui sont associés à la « hache charrue » géante (2,80 mètres de longueur).

9135921769_bc827fb0a9_h

Gavrinis-int 2_0

Gavrinis Dalle 21 (haches)

2/ Les sépultures collectives du Bassin Parisien.

On fait un saut dans le temps pour rejoindre le Néolithique Récent du Bassin Parisien (vers -3200 ans av. JC). Sur la centaine d’allées couvertes, une dizaine comporte des gravures dont la plus représentative est celle de la « déesse » : une paire de seins surmontée d’un collier à plusieurs rangs de perles (par exemple sur l’allée de « la Belée » à Boury-en-Vexin). Toutes ces gravures sont majoritairement dans l’Ouest de Paris (Yvelines, Val d’Oise, Eure, Vexin).

artfichier_65835_1105217_201208031343847

La « déesse » est parfois associée à des représentations de haches et à une« palette » qui est une pointe à petits ailerons et un large pédoncule (la « Cave aux fées » à Breuil-en-Vexin). Ces gravures (Déesse, hache et palette) sont aussi présentent dans les allées couvertes bretonnes de la même époque (Mougou-Bihan par exemple), mais il faut noter qu’en Bretagne, le collier de la déesse est sous la paire de seins alors qu’il est au-dessus en région parisienne..

9776617504_d05882842e_o

9776626376_cbf38cc12d_o

Dans les hypogées creusées dans les versants calcaires de la Marne, on trouve aussi des représentations spectaculaires comme à Coizard (Hypogée du Razet n°23) avec une silhouette complète de « déesse » sculptée sur la paroi gauche du vestibule et symétriquement, une magnifique hache à emmanchement transversal sur la paroi à droite de l’entrée de la chambre. Parmi les autres signes visibles dans les hypogées, on note aussi une tête d’épingle en rouelle et des traits qui peuvent se croiser en quadrillages.

3/ Les Statues-menhirs du Sud de la France.

Les statues-menhirs sont des stèles anthropomorphes sculptées ou gravées et représentant une forme humaine. On ne les trouve pas que dans le Sud de la France puisqu’elles existent aussi par exemple en Bretagne ou même en Italie ou en Suisse (Sion).

On en dénombre plus de 200 dans le Sud (Aveyron, Tarn, Hérault, Gard, Ardèche…), datées autour de -2600 ans. Outre la tête, on reconnait les parures (colliers, pendeloques), les ceintures qui sont systématiques et parfois avec des boucles, les armes (Arcs, flèches, poignards), les haches, les crosses et un curieux signe en Aveyron qu’on appelle « l’objet ». Cet objet pourrait être un long poignard en silex sur les statues masculines et un collier en « Y » sur les féminines.

9115344100_af0faa5cb5_k

9113123361_87327dcb49_k

Ces stèles, placées de façon visible et sur des points de passage, sont peut être des repères ou des limites de territoire. Mais dans la partie orientale, elles peuvent être associées à des sites funéraires comme c’est aussi le cas en Suisse.

Toutes ces représentations humaines témoignent bien de la transition vers l’âge du Bronze qui sera celui des guerriers, plus que celui des agriculteurs.

9113115819_1974c66a4e_k

3/ Les gravures Alpines du Mont Bégo.

Autour du Mont Bégo (Alpes-Maritimes) la vallée des Merveilles et le val Fontanalbe sont recouverts de 35 000 gravures piquetées entre 1 600 et2 600 mètresd’altitude sur quelques 4000 dalles lissées par les glaciers.

20714437095_e213f426b1_k

Si la technique de réalisation de ces pétroglyphes n’est pas encore claire, le résultat consiste en de minuscules enlèvements de matière (cupules), produits par une percussion effectuée à l’aide d’un instrument pointu sur les roches.

Les animaux à cornes sont très majoritaires (49% des figures reconnues) mais on trouve aussi des armes (poignards, hallebardes) pour 4%, des figures quadrillées représentant les terroirs cultivés et les champs (7% des gravures) et bien sûr les représentations humaines (<1%).

20714341965_6267793414_k

Les couples de bovidés sont parfois attelés par des jougs à des instruments agricoles comme des araires, des travois, ou même des chars (1167 animaux attelés sur les 13 399 au total).

Je vous encourage à venir randonner et à visiter le musée de Tende.

Pour en savoir plus :

https://journals.openedition.org/pm/582?lang=en

Gravures du Morbihan : ttp://www.culture.gouv.fr/culture/arcnat/megalithes/

Allée couverte de Dampmesnil en vidéo :

 

Le musée Fenaille : http://www.musee-fenaille.com/

 

Gravures du Mont Bégo : http://www.hominides.com/html/lieux/vallee-des-merveilles-gravures.php

 

2 réflexions sur “L’énigme du cachalot

Répondre à Raux pascal Annuler la réponse.