La hache polie en silex est l’outil emblématique du Néolithique en région parisienne. Sur une période de plus de 2000 ans (-4500 ans / -2200 ans) on en retrouve de plusieurs types qu’il est compliqué de caractériser et de positionner sur une chronologie.
Du point de vue chronologique, on ne connait que les grandes lignes de l’évolution des haches polies en silex avec :
- Une quasi-absence au Néolithique Ancien (-5200/-4600). Le polissage concerne principalement les roches tenaces et l’outillage en silex existe sous la forme de tranchets pour le travail du bois.
- Une présence très faible au Néolithique Moyen 1 (et pas avant -4500 à -4300 ans)
- L’apogée des grandes haches polies au Néolithique Moyen 2 (entre -4200 et -3500 ans) où se développent les grandes minières de la région (Flins, Jablines, Hardivilliers…)
- Les premières gaines de haches vers -4100 ans qui permettent l’utilisation de « petites » lames plus faciles à produire et la réutilisation des grandes lames cassées.
- La disparition des lames de haches aux flancs droits et équarris au Néolithique Récent (après -3500 ans) qui pourrait témoigner de la fin du polissage « industriel » avec un « passe-partout ».
- Et vers la fin du Néolithique, un effondrement de la hache polie comme objet statutaire qui serait remplacé par les premiers poignards en cuivre ou les haches perforées en roche tenace (les « bipennes » et les « haches-marteaux »).
Hache polie en silex tertiaire Bartonien (Laon 02)
D’un point de vue typologique, je ne connais pas d’étude sérieuse sur le sujet. La difficulté principale vient du cycle de vie de la lame. La hache est un outil dynamique qui va subir deux principales altérations : Une cassure qui entraîne un nouveau façonnage (et une nouvelle forme) et une usure qui entraîne un réaffutage (et petit à petit une nouvelle forme).
La taille et la forme évoluent donc avec l’utilisation de la lame et c’est un problème car l’écrasante majorité des lames n’est pas retrouvée à « l’état neuf » (on estime que 95% des lames font moins de 15 cm).
Pour décrire une hache polie en silex, on peut utiliser les critères suivants :
Les critères principaux.
Le premier critère a prendre en compte est la nature géologique du silex.
Pour le Bassin Parisien, on va distinguer le silex secondaire (Sénonien et Campanien) et le silex tertiaire (Bartonien). Ce dernier se retrouve sur les grandes minières de Flins (78) ou de Jablines (77).
Quelques minières pour les haches polies de la région.
Le silex secondaire est extrait de rognons aux formes plus ou moins variées alors que le silex tertiaire se retrouve sous la forme de grandes « plaquettes ». L’origine de ces silex va donc fortement influer sur les formes des haches polies.
Hache polie en silex secondaire Campanien (Guerville 76)
La forme la plus commune est la forme ovalaire. C’est d’abord lié à la présence beaucoup plus nombreuse des haches en silex secondaire qui sont quasi-exclusivement de formes ovalaires.
Du coté des haches en silex tertiaire, on remarque une majorité de formes quadrangulaire et trapézoïdales (80% des haches). Enfin, les haches de forme triangulaire restent rares et plus généralement en silex tertiaire.
De cette forme va découler un critère associé qui est la largeur maximum de la lame. Pour les formes trapézoïdale et triangulaire, la largeur va se situer à hauteur du tranchant. Pour la forme ovalaire, la largeur la plus importante se place entre la moitié et les deux tiers de la pièce (38% des secondaires ont une largeur maximum au centre de la pièce).
Le prochain critère discriminant est la section de la lame. Sur la base de 135 lames de haches, François Giligny nous dit que 80% des haches en silex ont une section ovalaire et ce pourcentage est encore plus important pour les haches en silex secondaire.
Pour les haches en silex tertiaire, c’est beaucoup plus partagé. Environ 40% des lames ont une section quadrangulaire avec des bords droits et équarris. François Giligny observe que la section droite et équarrie disparait avec le Néolithique Récent (c’est à dire postérieurement à -3500 ans avant notre ère).
Illustration d’un flanc droit et équarri sur une hache polie en silex tertiaire.
Enfin, il existe une section dite « lenticulaire » lorsque l’épaisseur de la lame ne dépasse pas les 20 mm et une section triangulaire, mais là encore, elles sont plus rares.
Les critères secondaires.
Parmi les critères secondaires, on va retrouver la largeur au talon qui peut avoir été individualisée avec une vraie rupture dans la forme ou qui ne montre pas de rupture avec la forme générale de la lame.
On va aussi regarder la rupture entre le tranchants et les bords car les bords peuvent être dans la continuité du tranchant ou bien ces bords, lorsqu’ils sont équarris, marquent une vraie rupture avec la finesse du tranchant.
On peut regarder la nature des bords, ou celui du talon…
… mais un critère facile à distinguer est celui de la forme du tranchant qui peut être droit, arrondi ou en dissymétrique. Dans ce dernier cas, on est souvent en face d’un tranchant qui a été fracturé et qui a fait l’objet d’une reprise de taille et de polissage.
Il restera à prendre en compte 2 critères pour caractériser une lame de hache polie en silex. Celui de son utilisation (comme hache, comme herminette ou comme ciseau) et celui du degré de polissage (polissage partiel, polissage total et, beaucoup plus rare, quand on remarque des plages de polissage à effet « miroir »). Ce dernier critère peut nous renseigner sur un éventuel caractère « non-fonctionnel » de la lame de hache.
Les fouilles récentes des nombreuses minières (où l’on retrouve des lames et des ébauches non utilisées) devraient permettre aux archéologues d’affiner la typologie et la chronologie de ces lames en silex. L’idéal serait de faire le même travail que celui de Pierre Pétrequin sur les lames en roches alpines (Projet JADE).
Avis aux futurs thésards en Préhistoire qui cherchent un sujet…
Haches polies en silex tertiaire du Centre/Nord de la France (longueurs de 18 à 33 cm)
Et pour en savoir plus :
https://www.sidestone.com/books/la-hache-de-silex-dans-le-val-de-seine
